26.2.10

Action culturelle extérieure de la France : vanitas vanitatis ?



La critique et l'ironie sont toujours faciles pour le spectateur de la vie politique. La tournure prise par la réforme de l'action culturelle extérieure de la France n'en demeure pas moins un cas d'école. Il est peu de dire que cette réforme était pourtant appelée des vœux des parlementaires (en témoigne la quantité de rapports sur le thème) et que le consensus politique était acquis.
Comment passer d'une réforme annoncée comme cruciale dans le domaine de la politique étrangère du quinquennat à une liste obscure de demi-mesures reportées jusqu'en 2013, c'est à dire après les prochaines présidentielles, donc, pratiquement sine die ?
Mais qui est donc responsable de cette quasi-annulation en rase campagne et à qui profite le "crime" ? Une série récente d'articles du Monde résume l'essentiel du contentieux fatal entre une certaine gesticulation ministérielle et une capacité de blocage du corps diplomatique, sans doute une des castes les plus impénétrables et puissantes de la haute fonction publique.
Pour tenter d'éclairer cette chasse gardée du corps diplomatique français que constitue l'action culturelle, il suffit de contempler le tableau d'Holbein le Jeune de 1533 qui représente magistralement en taille réelle deux ambassadeurs français (détails ici). Jean de Dinteville, à gauche, ambassadeur de France en Angleterre ; à droite, Georges de Selve, évêque de Lavaur ambassadeur auprès de l'Empereur romain germanique, de la république de Venise et du Saint-Siège.
Que nous apprend ce chef d'oeuvre de plus de 450 ans ? Tout d'abord une certaine arrogance très française de ces deux excellences drapées dans leurs plus beaux atours, mais aussi, par l'intermédiaire du symbolisme complexe des objets présents dans le tableau une métaphore des insignes du pouvoir symbolique de leur fonction sur laquelle Bernard Kouchner s'est un peu cassé les dents.
Le globe, les cadrans solaires, les instruments astronomiques pour la portée universaliste et impériale de leur mission. Le livre d'arithmétique, le luth, le livre de chant luthérien, les flûtes, l'équerre, le compas, symbole des arts et des sciences et des vertus mercuriales de protection des arts.
Car l'ambassadeur dans l'histoire diplomatique française est bien le protecteur des arts et de leur prestige et vouloir refondre l'action culturelle extérieure française, même au XXIème siècle, en retirant cette fonction, c'est un peu priver un chef militaire de munitions et de galons.
Mais Holbein, que l'on pourrait croire bassement servile, insère dans son tableau une masse étrange au premier plan. Il s'agit d'une anamorphose, c'est à dire une forme qui ne se révèle que lorsque l'on regarde le tableau sous un autre angle. Et cette forme représente un crâne qui fait entrer ce tableau dans la catégorie des vanités, suggérant donc la mort et la précarité de tout pouvoir humain même le plus prestigieux.
Dans un monde globalisé, montrer son prestige culturel, affirmer son pouvoir culturel, convaincre par l'art est-il la vanité des vanités ?

Voir aussi Le recrutement élitiste du Quai d'Orsay nuit à l'efficacité de la diplomatie française Un billet du blog Casus Belli, évoquant un rapport sévère de l'IFRAD.

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