12.10.10

Interview de Jospeh Nye, père du "soft power"


Le site Ina Global, publie un entretien entre Joseph Nye et Frédéric Martel de premier intérêt.
Avec sa clarté et sa modestie légendaire, celui qui inspira à Hillary Clinton sa doctrine du "smart power", redonne ici un bref exposé de son idée phare en matière de relations internationales et en livre aussi, 20 ans après, un point de vue critique :
Comment peut-on évaluer le succès ou l’échec du « soft power » ? Il est tout à fait possible de se rendre à une manifestation contre les États-Unis en portant des baskets Nike, en écoutant Lady GaGa sur son iPod et en appelant au rassemblement sur Facebook. Quels éléments comptent réellement pour déterminer si un pays a réussi sa politique d'influence ?

Joseph Nye : Ce serait une erreur de rattacher le « soft power » uniquement à des artefacts culturels. Dans les éléments qui sont le plus souvent des ressources de « soft power » (la culture, les valeurs, Internet), ce sont les valeurs, et non la culture, qui tendent à prouver de la façon la plus solide qu'un individu se reconnaît dans un pays et se veut partisan de ce pays. Il est possible d’adopter des comportements culturels américains et d’aimer des produits de la culture populaire américaine sans pour autant rêver d'être américain.

Avoir du « soft power », c'est avoir un comportement qui permet d'obtenir de l'autre ce que l'on veut. La culture populaire, comme ressource de « soft power », peut produire de l'influence comme elle peut ne pas en produire. En termes de « hard power », la logique est la même : un tank est très efficace pour gagner une bataille dans le désert, il est un poids mort dans un marais. Tout est une question de contexte. Les films de Hollywood, avec leurs femmes en bikini qui travaillent et divorcent, ont beaucoup de succès auprès des Brésiliennes. Les mêmes films n'ont pas l'adhésion des femmes d'Arabie Saoudite et, en l'occurrence, font des États-Unis un ensemble que l'on a envie de rejeter. Il est essentiel, pour l'évaluation de toute sorte de pouvoir, de savoir intégrer le contexte.


L'entretien nous apprend aussi qu'un prochain livre de Nye sortira en février 2011, The Future of Power in 21st Century, une analyse sur le rôle de l’influence à l’âge de l’information et des réseaux.

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