21.5.08

Du bon usage diplomatique de l'orchestre symphonique




A quelques semaines de distance, la scène internationale a donné lieu à un chassé-croisé intéressant entre l'orchestre philharmonique de New York à Pyongyang (26 février 2008) et l'orchestre philharmonique de Chine au Vatican (7 mai 2008).

S'il ne faut voir qu'un hasard de calendrier entre ces deux concerts, tous deux illustrent - au delà des lieux communs sur la musique sensée adoucir les mœurs - deux cas d'école de la diplomatie culturelle.

En effet, ces évènements ni fortuits ni secondaires s'insèrent dans des séquences diplomatiques précises et font appel dans la "grammaire" des relations bilatérales à une tradition historique.

L'orchestre symphonique, forme pourtant très localisée sur le plan historique et culturel, a acquis par le biais de la culture de masse l'image de l'expression idéale et globalisée du sommet de l'art musical savant. Tout Etat qui se respecte se doit d'entretenir un orchestre symphonique pour tenir son rang sur la scène culturelle internationale. L'orchestre symphonique de Téhéran et ses musiciennes voilées symbolisant sans doute le mieux ce télescopage culturel (photo).

L'initiative Nord-coréenne est une sorte de tradition dans le non-conformisme diplomatique américain qui inclue dans sa diplomatie publique toute la panoplie de son soft power culturel ( de Coca Cola à Hollywood en passant par le jazz ) .

Pour ne parler que des orchestres symphoniques, on se souvient, dès 1956, des voyages d'orchestres américains prestigieux faisant le déplacement à Moscou comme le Philharmonique de New York dirigé par le fameux Leonard Bernstein.

L'édition de 2008 en Corée du Nord est le remake de ces tournées dans le bloc soviétique : pour Peter Beck, responsable du Comité américain pour les droits de l'homme en Corée du Nord, le déplacement du Philharmonique de New York à Pyongyang
"est un signal clair que les relations entre les Etats-Unis et la Corée du Nord s'améliorent".

A quelques semaines des JO de Pékin, il est aussi utile de se rappeler combien le sport - autre atout du soft power americain - a joué un rôle clé dans la reprise des relations entre Pékin et Washington au début des années 70.

En avril 1971, quelques mois avant que Richard Nixon se rende à Pékin à la rencontre de Mao Zedong, les Etats-Unis avaient pratiqué ce qu'on a appelé "la diplomatie du ping-pong", en autorisant une délégation de pongistes américains à rencontrer des champions chinois. Une décision que le New York Times de l'époque avait analysé comme
"un véritable et persistant désir de briser la glace diplomatique qui existe entre les deux pays depuis l'installation du régime de Mao le 1er octobre 1949".


Dans le cas de la Chine et du Saint Siège, le déplacement de l'orchestre de Pékin au Vatican s'inscrit dans une séquence diplomatique intense inaugurée par la lettre que le Souverain pontife a adressée aux catholiques chinois en juillet 2007.

De la nomination conjointe d'évêques, dont celui de Pékin, par les deux parties (septembre 2007), à l'envoi réciproque de délégations de plus en plus officielles (novembre 2007 et mars 2008), ce concert au Vatican s'inscrit dans une stratégie d'échange de signaux publiques forts qui sont autant d'étapes vers un début de normalisation, certes encore très modeste.


Cet évènement a d'ailleurs été l'occasion pour le Pape de mentionner pour le première fois les Jeux Olympiques de Pékin et de souhaiter leur succès. Une courte phrase qui permet, en pleine polémique sur le Tibet, de montrer que la diplomatie vaticane reste confiante mais attentive dans l'évolution de la politique concernant l'engagement que Pékin a pris au moment de l'attribution des Jeux à propos des droits de l'homme. Autre signe, pour la première fois, l'Osservatore romano a consacré une édition spéciale en chinois à cet évènement.