20.10.07

La diplomatie culturelle illisible de la France


Deux évènements ont marqué l'été 2007 dans le domaine de la diplomatie culturelle française. Au début du mois de juillet, la toute nouvelle agence internationale des musées (France museum) dont le but est d'accompagner la réalisation du Louvre d'Abu Dhabi a traversé sa première crise. Une divergence de fond semble être à l'origine de la démission de son directeur général Jean d'Haussonville – ancien conseiller diplomatique de Renaud Donnedieu de Vabres - qui portait une vision sur le moyen et long terme de cette agence.

Selon Emmanuel de Roux, dans Le Monde daté du 10 juillet 2007, son départ serait dû à une divergence d'opinion avec le Louvre. Henri Loyrette, son président directeur général, souhaiterait que l'agence se contente de gérer le projet en cours sans en lancer de nouveau, tandis que Jean d'Haussonville aurait voulu en faire « un nouvel outil de la politique culturelle de la France ». Christine Albanel, Ministre de la Culture, aurait tranché en faveur du Louvre. Ce bras de fer semble donc avoir bénéficié à une vision minimaliste de cette agence au détriment de celle qui prévoyait le développement plus large des musées français à l'étranger à l'instar de la fondation Guggenheim engagé dans un déploiement mondial, à Abu Dhabi notamment...

Autre événement symptomatique de l'enlisement de la diplomatie culturelle, les premiers tirs de barrages qui semblent augurer d'une mobilisation syndicale contre la volonté affichée par Nicolas Sarkozy de redéployer l'audiovisuel extérieur.

Contrairement à l'opinion répandue par les chantres du déclin lors du lancement de France 24, le budget français de l'audiovisuel extérieur, avec ses 300 millions d'euros, n'est pas ridicule par rapport à celui des autres pays industrialisés. Cependant, il est avéré que ce secteur clé souffre d'un considérable éparpillement qui handicape dramatiquement l'impact réel de "la voix de la France" dans le monde.

Ce véritable "talon d'Achille" de la politique étrangère française est dénoncé depuis 20 ans avec une constance remarquable (rapports Péricard 1987, Decaux 1989, Balle 1995, Cluzel 1996, Bloch-Lainé 1996, Imhaus 1997, Brochand 2002, sans compter ceux de la cour des comptes ou du Sénat).

Cette dilution n'est pas un vain mot puisque une demi-douzaine d'entités (RFI, TV5, Canal France International, France 24, Arte et une participation à Euronews) se partage la mission de porter hors des frontières de l'hexagone la culture, la sensibilité, et la langue française. Le soft power français devient de plus en plus inaudible malgré des moyens financiers importants, une tradition de diplomatie culturelle avérée et l'enjeu de puissance qu'il représente.


Mais ne nous y trompons pas, la politique d'implantation de nos grands musées à l'étranger et le redéploiement de l'audiovisuel extérieur ne sont pas uniquement utile pour vanter la culture française, la baguette de pain et la Joconde. Dans une société mondiale progressivement dépendante de l'économie de la connaissance, ces dossiers sont sans doute au moins aussi importants qu'un second porte-avion. A condition toutefois qu'au delà des dossiers techniques (financiers, organisationnels et managériaux) une véritable doctrine préexiste à l'emploi de cette force de frappe informationnelle !


Pierre Gueydier


Paru sur Infoguerre, 27/08/07