16.7.06

La convention sur la diversité culturelle de l’Unesco


L’émergence d’un droit culturel international ?

Le projet de convention de l'Unesco pour la protection et la promotion de la diversité culturelle a été adopté par 151 pays en octobre 2005. Les États-Unis se sont trouvés totalement isolés dans leur opposition à la convention, n’ayant été suivis que par Israël au moment du vote.

Cependant, la convention devra être ratifiée par 30 pays pour avoir force de loi. Les observateurs s’attendent donc à une multiplication d’accords commerciaux bilatéraux incluant les biens culturels entre les Etats Unis et beaucoup de pays pour contourner et vider de sa substance la convention de l’Unesco.

Cette convention vise à soustraire, au moins pour partie, les biens des industries culturelles aux décisions de l'Organisation mondiale du commerce faisant ainsi de ces biens une exception pouvant être subventionnée et protégée par les Etats.

L’article 20 stipule que cette convention est "non subordonnée" aux autres traités internationaux. Elle a, en théorie, le même poids que les règles de l’OMC. Chaque Etat serait donc libre de ces choix dans ses politiques pour protéger sa culture à l’aide de subventions, quotas et mesures fiscales.


Les enjeux et les raisons de la mobilisation américaine

L’attitude américaine, appuyée le jour même de l’ouverture de la Conférence générale de l’Unesco par une lettre de Condoleeza Rice adressée aux ministres des Affaires Etrangères des pays membres de l’Unesco, était prévisible. Malgré un retour récent, et sans doute motivé par ce projet de convention, à la table de l’Unesco en 2003 après 19 ans de boycott, l’hostilité malhabile des Etats Unis est longue d’enseignement et aura surtout permis de donner une publicité inattendue à cette convention.

Maladresse et isolement diplomatique d’autant plus étonnant que l’adoption de la convention est encore hypothétique et que les Etats Unis disposent de moyens de pression sur de nombreux Etats pour affaiblir la portée de la convention et la jurisprudence internationale en droit culturel. La lettre du secrétaire d’Etat est à ce propos d’une violence toute diplomatique certes, mais voile à peine la menace d’un nouveau retrait des Etats Unis de l’Unesco avec les conséquences financières que l’on imagine.

Selon les promoteurs de la convention, les seules règles du marché appliquées au secteur culturel serait synonyme d'une homogénéisation ou d’une uniformisation des cultures au profit des modèles culturels dominants, fondées sur la seule logique marchande qui exclurait l'expression des cultures « moins rentables ».


Trois éléments peuvent expliquer l’attention aiguë des Etats Unis pour cette convention.

Tout d’abord d’un point de vue économique, l’industrie culturelle est un important secteur de l’économie américaine, positif dans la balance du commerce extérieur.
Deuxièmement, dans le domaine de l’évolution du droit d’auteur liée à la révolution numérique, la convention risque d’entraver le processus normatif en cours au niveau mondial concernant la généralisation du principe du droit américain du copyright.
Enfin, d’un point de vue stratégique, l’industrie culturelle américaine fortement liée à une stratégie d’influence globale risque, avec cette convention, de voir s’amoindrir son efficacité comme vecteur essentiel de l’attractivité symbolique des Etats Unis.


Une opération « d’intelligence culturelle » réussie ?

Une des raisons de la réaction américaine est sans doute aussi liée au vaste et rapide mouvement de mobilisation engagé en particulier par la France et la Canada auprès de très nombreux réseaux diplomatiques, civiles et industriels.

Dans cette stratégie de montée en puissance, la France a montré sa capacité à mobiliser très largement pour recueillir l’assentiment de tous y compris du Royaume Unis, traditionnel allié des Etats Unis, qui assurait à cette époque le rôle crucial de la présidence tournante de l’Union Européenne. D’une certaine façon, la notion « d’exception culturelle » à la française a été transposé en droit positif par la notion de « diversité culturelle ».

En ce sens, ce succès est un contre exemple de l’impuissance internationale de la France dans un domaine d’autant plus important qu’il est relativement nouveau puisqu’il touche directement aux conséquences de l’avènement de la société de l’information. Cette convention, qui peut paraître secondaire, touche en fait à des problématiques nouvelles posées par la mondialisation des échanges et à des thématiques cruciales comme le patrimoine immatériel, le contrôle du savoir et des sources d’information, la puissance symbolique des biens culturels, voire aux problématiques liées aux questions religieuses à travers l’usage de leurs symboles.

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